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samedi 19 mars 2011

Improbable n'est pas Impossible.....( toujours sur le "fat tails" d'une faux distribution normale...)

Daniel Cohn-Bendit - 2011 
© Pascal Guittet - L'Usine Nouvelle


"La leçon du Japon, c'est que l'improbable n'est pas impossible"

Le 18 mars 2011
  Parmi les voix qui se font entendre actuellement sur la question du nucléaire face à la catastrophe japonaise, il y a celle de Daniel Cohn-Bendit. Le co-président du groupe des Verts/ALE au Parlement européen s’est entretenu sur le sujet avec l’Usine Nouvelle. L’occasion d’aborder une sortie progressive du nucléaire, en France, et en Europe.
L'Usine Nouvelle - En France, le PDG d'EDF Henri Proglio a rappelé, devant les parlementaires, que lors de la construction des centrales, on a pris en compte deux fois le risque maximum des mille dernières années...
Daniel Cohn-Bendit - C'est de la folie ! Je réponds en citant Norbert Röttgen, le ministre de l'Environnement allemand, chrétien-démocrate. Il a déclaré: "Pour moi,  l'après-Japon ne sera plus jamais comme l'avant-Japon." Pourquoi ? Parce que le risque zéro dans le nucléaire n'existe pas. On peut minimiser les risques, mais il restera toujours un risque résiduel lié au cumul des problèmes. La leçon du Japon, c'est que l'improbable n'est pas impossible... Est-ce qu'on a le droit de léguer ce risque aux générations futures ? Ne sommes-nous pas dans l'obligation de sortir du nucléaire ?
Vous vous êtes prononcé pour une sortie du nucléaire. Etes-vous sûr que le référendum soit la bonne méthode pour traiter ce sujet ?

Bien sûr. On me demande : « Quelle question poser ? » Elle est simple: « voulez-vous que l'on renouvelle le parc nucléaire français ? » C'est un parc vieillissant. Il y a des centrales qui devront être démantelées. Nous, nous n'avons pas dit qu'il fallait sortir du jour au lendemain. Reprenons la bonne formule française du « phasing out » pour une sortie du nucléaire sur trente ans...

Comment ? Nous n'avons aucune expérience en la matière...
Après un accord entre le SPD et les Verts, le gouvernement allemand a décidé, il y a dix ans, la sortie du nucléaire. Les critiques venues de toutes parts, et de l'industrie électrique en particulier, disaient: « De toute façon, ils vont faire marche arrière parce qu'ils n'arriveront pas à développer les énergies renouvelables. » Seulement 1% de l'électricité provenait du renouvelable. Aujourd'hui, l'Allemagne tire près de 20 % de son électricité des énergies renouvelables. Des réductions d'impôt ont permis de les faire émerger. Avec un effort supplémentaire et une décroissance lente et régulière du nucléaire, il est possible d'augmenter encore la capacité des renouvelables. Après la catastrophe au Japon, l'Allemagne vient de décider de fermer sept centrales. Vous verrez, contrairement à ce qui est dit, il ne sera pas nécessaire d'importer de l'électricité. En réalité, il y avait un surplus d'électricité d'origine renouvelable mais comme le nucléaire est moins cher, elle était inutile. Avec la réduction du nucléaire, le surplus du renouvelable va largement couvrir les besoins...

Il va donc falloir accepter de payer plus cher l'électricité ?
Calculé comme on le fait aujourd'hui, l'électricité d'origine nucléaire apparaît moins chère... Mais son prix est faussé ! Il y a d'abord la question des déchets. On ne sait pas où les mettre. Depuis quarante ans, on nous explique que l'on va trouver la solution. Pour l'instant, personne n'est capable de dire où et comment ! Et il y a le coût du démantèlement des centrales. Le calcul du prix du nucléaire est minoré si on n'y inclut pas la gestion des déchets, le démantèlement et les investissements nécessaires, le cas échéant, pour prolonger la durée d'exploitation des centrales les plus anciennes...

La première étape, selon vous, ce serait la fermeture des centrales les plus anciennes, comme vient de le décider l'Allemagne ?
Oui. Pour la France, cela voudrait dire fermer les centrales du Bugey, de Fessenheim et de Gravelines. Ce que nous apprend le Japon, c'est que ça devient ingérable lorsqu'il y a cumul d'hypothèses : tremblement de terre, tsunami, défection humaine. En 2005, il y avait eu un tremblement de terre au Japon qui avait entrainé des corrections des niveaux de sécurité. Mais cela était insuffisant. Dans une interview publiée en août 2007, le sismologue japonais Ishibashi Katsuhiko estimait : « A moins que des mesures radicales ne soient prises pour réduire la vulnérabilité des centrales au tremblement de terre, le Japon pourrait vivre une vraie catastrophe nucléaire dans un avenir proche. » [Ndlr: ce professeur à l'université de Kobe faisait partie du comité d'experts chargé d'établir les normes sismiques des centrales nucléaires japonaises. Il en avait démissionné estimant que les recommandations fixées par le comité étaient beaucoup trop laxistes.] Ishibashi Katsuhiko disait encore :« Personne ne peut dire aujourd'hui que le tremblement de terre le plus invraisemblable ne se produira pas. » Quant au tsunami, les hypothèses portaient sur des vagues d'une dizaine de mètres et non du double...

Qu'est-ce que vous faites des salariés de l'industrie nucléaire ?
La sortie du nucléaire suppose le développement des énergies alternatives mais aussi l'amélioration de l'efficacité énergétique. Mettre à niveau les bâtiments publics et l'habitat privé, c'est une mine d'emplois. Vous aidez les petites et moyennes entreprises. Avec un investissement et européen et national, il faut arriver, dans les 30 ans qui viennent, à consommer moitié moins d'énergie. Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Le pays qui a décidé de sortir du nucléaire, pendant dix ans l'a fait, lentement, en développant les énergies renouvelables. Et c'est justement le pays qui a le chômage le plus bas et qui a créé le plus d'emplois ! L'Allemagne a créé 500 000 emplois dans le bâtiment et dans les énergies renouvelables...

C'est une politique qui repose sur des incitations fiscales fortes et des dépenses publiques. Est-elle soutenable alors que l'on est entré dans une période de vaches maigres budgétaires ?
Il faut dire: « On ne veut pas du drame, donc on doit. » Si nous prenons les devants aujourd'hui, c'est moins cher. C'est dur, je ne dis pas que cela sera facile. Au niveau européen, on parle d'un parachute de protection pour les banques, pour les pays ayant un déficit public important. Moi je dis que cela n'a aucun sens si l'on se contente d'une initiative défensive. Il faut, au contraire, avec des eurobonds, une capacité de protection et d'initiatives. La capacité d'initiatives d'un Etat, compte tenu des déficits publics, est complètement bloquée. Mais au niveau européen, c'est une toute autre histoire.

Concrètement, que faudrait-il attendre de l'Europe ?
Imaginons que 0,1 % du coût de chaque communication sur votre mobile ou de votre abonnement aille au budget européen. Disons que cela pourrait rapporter entre 20 et 50 milliards d'euros. Avec ces ressources propres, on peut baisser les contributions nationales et augmenter le budget européen. On rend alors l'Europe capable d'initiatives industrielles tout en poursuivant un objectif de décroissance du nucléaire.

Manifestement, vous ne vous inquiétez pas d'affaiblir nos économies, en attaquant toutes les industries supposées polluantes...
Non, on n'affaiblit pas ! Les pots catalytiques, vous vous rappelez du débat ? Le patron de PSA Jacques Calvet prédisait la mort de l'automobile française. Vous vous rappelez de ses croisades. Alors que l'industrie allemande avait pris les devants. La résistance française a été héroïque, c'était la ligne Maginot. Les pots catalytiques sont passés et aujourd'hui Peugeot vit avec... Deuxième exemple : les filtres pour le diesel. C'est l'inverse qui s'est passé : Peugeot et l'industrie française prennent les devants et l'industrie allemande a voulu faire de la résistance. Ce qui était complètement idiot. Dans les deux cas, les deux positions étaient idéologiques. A l'avenir, c'est l'industrie automobile qui ira vers plus de réduction de CO2 par kilomètre qui va gagner. Aujourd'hui, ceux qui prennent les devants dans l'investissement seront ceux qui gagneront sur le marché. Cela ne veut pas dire moins d'emplois. Cela veut dire plus d'emplois! 

Propos recueillis par Pascal Gateaud et Laurent Guez

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